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journalisme, photos, rugby, musique et voyages

Sylvie Rebboh : "Je me sens autant à ma place ici que lorsque je m'occupais des affaires de Canal + à Paris"

Début juillet, j'ai pu interviewer la présidente du TGI de Compiègne. Après un peu plus d'un mois à la tête de la juridiction, Sylvie Rebboh a accepté de répondre à quelques questions et de faire un premier bilan de son activité.


Extraits de l'itw parue dans l'Oise Hebdo n°751 - 23 Juillet 2008  (12 000 signes)


Oise Hebdo : Après un peu plus d’un mois à la tête du tribunal (NDLR : Sylvie Rebboh a été nommée le 6 mai mais a pris ses fonctions le 6 juin), peut-on faire un premier bilan de votre activité ?

Sylvie Rebboh : " En un mois où j’ai mis pour l’instant mes pas dans ceux de mon prédécesseur. Je me suis rendu compte qu’il y avait des petites choses à modifier, d’abord parce qu’il y a des réformes à mettre en place et puis je crois que chacun a son tempérament et avec ce tempérament on voit les choses différemment. [...] Un œil neuf, ça ne fait jamais de mal ! Je ne veux pas dire que tout va être bouleversé du jour au lendemain, pas du tout, M.Coquel était un excellent gestionnaire et le tribunal fonctionnait à la satisfaction générale, ce sera des petits réglages. "

[...]


Avez-vous senti une augmentation de la criminalité au fil des ans ?

SR : " Quand j’ai commencé, en Haute-Marne, il y avait aussi cette délinquance d’alcoolisme extrêmement importante. Je me souviens d’un dossier où c’était des bûcherons. Ils étaient venus dans la ville où j’exerçais boire leur paye. Seulement ils s’étaient bagarrés et étaient retournés à leur camionnette prendre leurs tronçonneuses. Heureusement, ils s’étaient fait assommer avant de pouvoir s’en saisir. Il y avait aussi une très très grosse partie de délinquance sexuelle, des choses abominables. C’était le début des années 80 et il n’y avait pas encore eu ce virage dans l’opinion publique ce qui fait que les affaires de viol passaient souvent en correctionnelle car aux Assises, on avait de très grosses surprises. On avait des acquittements sur des viols reconnus. C’était autre chose. La délinquance liée à l’alcoolisme existe toujours. En terme d’évolution, c’est l’évolution de la répression. Quand j’ai commencé, il y avait le permis blanc etc. Pendant les dix premières années de ma carrière je n’ai jamais prononcé une peine de prison ferme pour de la délinquance routière alors que maintenant on n’hésite pas. C’est entré dans les mœurs. C’est une peine qui est acceptée car le rôle d’un magistrat c’est aussi de faire une sanction qui soit acceptée peut-être pas par le prévenu, mais par la société. "

[...] 

Y a-t-il un gros changement entre votre poste de président du TGI de Compiègne et votre ancien poste de président de la 4ème chambre du TGI de Paris ?

SR : "C’est beaucoup plus de responsabilités ici. A Paris j’étais responsable de dossiers. On me disait voila :  vous avez tant de dossiers, le président on n’en entend pas parler, il faut que les avocats soient contents, que vos statistiques soient bonnes. Pour tout le tribunal il y a 1 800 dossiers en cours alors que j’en avais 1000 à Paris, mais surtout il faut assurer tout le fonctionnement. Ce n’est pas deux collègues plus moi, c’est huit collègues plus moi plus cinquante personnes des greffes plus le parquet… Il faut organiser tout ça avec le budget qui nous est fourni de façon tout à fait modérée par la Chancellerie. "

[...]
 

C’est plus de responsabilités, vous montez dans la hiérarchie, mais passer d’une affaire à résonance nationale (NDRL : Sylvie Rebboh a jugé l’affaire opposent Canal + à la ligue de Football concernant les droits tvs) à de la correctionnelle locale, n’est-ce pas en quelque sorte une régression ?  

SR : " Il n’y a pas que la criminalité, il faut aussi s’occuper des divorces des gens… C’est vrai que je peux donner l’impression de redescendre de statut. Ce n’est pas ça du tout, c’est juste une autre facette du métier de juge. Ca fait 28 ans que je suis magistrat et à chaque poste que j’ai eu, j’ai ocupé des fonctions enthousiasmantes. Le fait de s’occuper de dossiers à résonance nationale, c’est passionnant mais faire en sorte que dans un arrondissement comme Compiègne, la justice réponde aux attentes de nos concitoyens c’est extrêmement important. Je me sens autant à ma place ici que lorsque j’étais à la 4ème chambre à m’occuper des affaires de Canal Plus. "

[...]

Dans un article paru dans l’hebdomadaire Le Point daté du 29 octobre 2007, vous critiquez sévèrement la réforme de la carte judiciaire en ces termes : " Le discours de la rationalisation des moyens est en fait un dispositif de la réduction des moyens […] On a pris un compas, une machine à calculer et une gomme… " Pensez-vous toujours la même chose ?

SR : " Ces propos étaient tenus dans le cadre de mes fonctions que j’exerçais à l’époque de déléguée syndicale au sein de l’Union Syndicale des Magistrats (NDLR : l’USM est le syndicat majoritaire des magistrats, considéré comme modéré). Je continue à penser ce que j’ai dit. J’ai la chance d’être dans un tribunal qui n’a pas été supprimé et qui ne va pas être supprimé. Dans ma fonction de président, à ce que je vois, il y a de très gros problèmes budgétaires. La réforme de la carte judiciaire a été un des moyens trouvé par le ministère de la justice pour rationaliser les dépenses. Ca, c’est le discours officiel. Peut-être également pour diminuer les coûts. Pour l’instant c’est wait and see. On verra si ça rationalise vraiment les coûts… J’en parlerai peut-être lors de ma prochaine audience solennelle. "


[...]

Vous n’avez pas la langue dans votre poche !

SR : " Je pense qu’il faut savoir ce que l’on veut. J’ai souhaité être président et avoir des responsabilités. Dans le cadre des ses responsabilités, je ne vais pas mettre tout ce que j’ai pu dire ou penser dans ma poche sous prétexte qu’il y a une obligation de réserve. Par contre, ce que je ne ferai plus, parce qu’il y a un responsable local au niveau de l’USM c’est de m‘exprimer au nom de l’USM Compiègne. Ce n’est pas parce que je suis président que je ne vais pas dire s’il y a des choses qui ne vont pas. Si à la fin de l’année lorsque je ferai le budget, je m’aperçois qu’il ne permettra pas de faire fonctionner le tribunal, je le dirai car je pense qu’il faut que tout le monde le sache. S’il y a des choses qui ne se passent pas très bien, il n’y a aucune raison pour que je n’explique pas ce qui ne marche pas. "

 




Linterview est visible en entière à cette adresse

http://sd-1.archive-host.com/membres/images/1918598325/ITW-SYLVIE-REBBOH.jpg

 

 

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